Diagnostics. Où l'on apprend que je ne suis pas schizo, mais bipo.
Après avoir beaucoup parlé avec mon psychiatre et l’avoir beaucoup questionné, il a convenu que j’étais effectivement bipolaire.
C’est étrange, les diagnostics. Quand j’ai
commencé à sérieusement perdre la tête en 2009, on m’a dit que je souffrais d’un
TAG, un « trouble anxieux généralisé ». Je fus traitée en
conséquence, même après ma tentative de suicide de 2011 et durant les trois
semaines d’hospitalisation qui suivirent.
Pendant la semaine de sevrage forcé
qui précéda mon entrée à la clinique, je me mis à raconter des histoires sans
queue ni tête : j’avais compris la Bible, je saisissais totalement
l’essence profonde de l’être humain. Bien sûr je ne me souviens absolument pas
de ce que j’ai pu dire. Je me souviens juste des regards de ma mère et de ma
sœur, aussi blasés que mortifiés.
Une fois à l’hôpital, je me mis à raconter à
ma psy et à mon infirmière une autre histoire que j’avais déjà racontée
plusieurs fois à A. A mesure que j’en faisais le récit, elle devenait
plus noire et plus précise. Je parlai de l’agression d’un instituteur subie à
l’âge de 7/8 ans. Poussée par A. et par ma propre conviction, je décidai de la
raconter à mon psychiatre à ma sortie de l’hôpital.
Mais lorsque que les
vapeurs de mon acte suicidaire et du sevrage qui suivit se dissipèrent, je
commençai à me rendre compte que le viol que je pensais avoir subi n’avait en
fait jamais eu lieu. J’étais complètement mortifiée, je pensais perdre
totalement la raison, je ne pouvais expliquer comment j’étais parvenue à me
convaincre aussi parfaitement et avec force détails de quelque-chose qui ne
s’était jamais produit. J’ai donc avoué à A., puis à mon psychiatre, mon
invention.
Je suis
persuadée aujourd’hui que c’est cet aveu couplé avec l’antipsychotique donné
par un autre psychiatre à N. pour juguler ma mélancolie (l’état le plus profond
de la dépression) qui a fait penser à mon psy que j’étais atteinte de
schizophrénie. Le médicament que je prenais et prend encore est effectivement
utilisé dans le traitement de la schizophrénie… Et des troubles bipolaires.
Je pense aussi que cette seule et unique « bouffée
délirante», si j’ose dire, fut le résultat d’une succession d’épreuves
psychologiques assez insoutenables: un épisode anxieux suivi d’une tentative de
suicide avec absorption massive de médicaments, un sevrage total d’une semaine
avant une hospitalisation de trois semaines pendant laquelle j’ai été traitée
pour un TAG, ce qui implique une prise de médicaments inefficace et bien plus légère que ce à quoi mon corps
et mon cerveau étaient habitués. Voilà
des douleurs qui feraient perdre la raison à beaucoup. J’ai d’autre part
entendu dire que les bipolaires, au plus fort de la souffrance mentale,
pouvaient être victimes d’hallucinations.
Vint ensuite la période de totale mélancolie à la
fin de l’hospitalisation, période de quatre mois environ durant lesquels je fus
prisonnière de mes tourments, malgré le dévouement total d’A. qui prit le
relais de mes parents, dépassés. Jusqu’à ce psychiatre à N. qui décida de me
traiter au Xeroquel, ce fameux médicament que je prends encore aujourd’hui,
celui grâce auquel j’ai enfin entrevu une lumière au bout de six mois de
souffrance insupportable. Le traitement au Xeroquel fut donc adopté par mon psy
de B. quand je revins y vivre et mon état s’améliora tout doucement.
Cette longue digression pour dire qu’il est très
difficile d’établir un diagnostic de bipolarité, les symptômes étant souvent
les mêmes que ceux d’une myriade d’autres troubles mentaux. Comme mon psy m’a
confié avec un brin de malice: « on dit souvent que pour
diagnostiquer un trouble bipolaire il faut huit ans et huit psychiatres. » Il m’aura fallu cinq ans et trois
psychiatres, et je me garderai bien de dire que l’aventure est enfin terminée.
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