lundi 9 juillet 2012

  Désamour


Photographie de Yusuke Nishimura.

 Il est 5h30 du matin et je suis là, les yeux ouverts, comme un con. L'Autre est là. J'entends sa respiration. Elle respire tout doucement. Etonnant pour une femme qui, le jour, crache les insultes comme des flammes, crie, se plaint et m'emmerde. Mais la nuit elle se fait silencieuse, elle respire à peine et dort à l'autre bout du lit. Son corps est droit sous le drap. Je ne sens même pas ses longs cheveux chatouiller mon épaule. Elle est loin. Et je n'ai pas envie de m'approcher de son corps endormi. Elle me repousserait de toutes façons. Et puis son corps est tellement sec! Sa peau a la texture d'un gant de crin. Je me garde bien de lui en faire la remarque, elle passe tellement de temps à s'oindre de crèmes hors de prix.
En fait ce n'est pas vraiment un problème de peau... C'est l'amertume, l'arrogance, la médiocrité. Ca la ronge et l'enlaidit. Elle est pourtant très belle. Mais elle est terne maintenant. Elle vieillit et se rabougrit. Elle devient conne. Elle l'a peut-être toujours été et je le découvre peut-être seulement maintenant. Je ne sais pas. Ca me fatigue de me poser la question.
Ce matin, j'échangerais volontiers cette madone glaciale qui dort en silence dans mon lit contre le petit ronflement d'aise d'une jeune femme aux courbes chaudes. L'Autre me refroidit. Même nos ébats ne compensent plus son mauvais caractère. Elle ne me fait plus l'effet d'antan. Je vois sa beauté et son allure, mais elles ne me touchent plus. L'indifférence gagne tout mon corps comme des fourmillements. Je la baise juste pour assouvir une pulsion. Je la prends le plus fort et le moins longtemps possible. Je ne la caresse plus et l'embrasse à peine. Sa peau m'irrite. J'ai besoin d'imaginer une autre femme, une femme aux grands yeux. La chaleur m'envahit ainsi et je peux contempler ma compagne avec un peu plus de désir. Mais sitôt la fin de l'acte je voudrais la voir disparaître. Qu'elle quitte ma couche et s'évanouisse dans la nature. Car elle redevient elle-même et n'a plus aucun éclat. 
J'ai l'impression qu'elle pense la même chose de moi. Dans ces moments-là, je me demande avec plus de force que d'ordinaire ce que nous faisons encore ensemble.

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